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lES CHIMèRES - CHAP 1

Auteur : Rolu

« Ils n’ont pas de visage. Ils ont tout le reste pourtant. Sauf le regard, les lèvres ou bien même l’âme. Ce sont des chimères qui n’apparaissent que lorsque l’on se penche un peu trop vers les abysses. Leur baiser mortel inflige une blessure latente, faisant de l’agonie un lent et douloureux supplice. Nul ne connaît l’origine de ces monstres ou ne connaît leurs véritables intentions. Tout le monde les craint car ils sont chargés d’apporter une mort injuste. Leur robe écarlate et les brillances sur leur corps sont en trop : trop de sang dans leur veine, trop de rougeurs sur leur cuir, trop de scintillements sur les capitons de leur peau craquelée, trop de cheveux pêle-mêle sur leur tête. Comme des personnes empaillées avec un apathique aspect de pantin. Tout le monde a déjà entendu au moins une fois dans sa vie le bruit croquant de leurs articulations démantibulées.

  -Non, pas moi, maîtresse.»

 

Toute la classe poussa un râle exaspéré. Aléthéia faisait encore des siennes. Elle avait le don de toujours mettre le doigt à côté du trou de nez, Autant dire qu'elle était toujours à côté de la plaque. Ses camarades vociférèrent en choeur:

 «  Menteuse ! »

Aléthéia avait tout entendu du discours de la maîtresse, sans comprendre tous les mots, elle en avait saisi la teneur.

« Bien évidement que tout le monde a entendu le cric-crac des monstres au moins une fois ! 

    -Elle fait toujours son intéressante.

    -Puisque je vous dis que pas moi. J’ai jamais vu un de ces monstres de ma vie… qu’ils viennent, je n’aurais pas peur.»

La maîtresse décida de mettre un peu de paix dans ces flots de paroles troublés. La classe prit fin et Aléthéia se retrouva seule dans la salle. Les bruits des crayons et les babillages des camarades avaient cessé. Aléthéia se sentait bien dans cet apparent silence. Un cric-crac infime roulait par derrière la porte. Un inaudible croulement d’os aurait dû surprendre la jeune fille mais rien n’y faisait. La maîtresse entra dans la pièce et le crissement cessa. Les parents d’Aléthéia étaient en retard. En transpirant, ils s’excusèrent auprès du professeur qui les prit à partie :

   « Bonsoir, j’espère qu’il n’y a pas eu trop de circulation.

  -Non, non, encore désolée pour le retard Mme Polymathée, s'exprima la mère. C’est la voiture qui a fait des siennes, cette fois.

  -Pas de soucis, je ne vous ai pas attendus longtemps, mentit gentiment la gardienne du savoir.»

 

L’enseignante n’osa pas aborder le sujet puis elle en vint finalement au fait :

  « Aléthéia a dit quelque chose d’assez surprenant en classe aujourd’hui… encore une fois… je pensais que nous pourrions en parler.

  -Que s’est-il passé ? s’emporta derechef le père.

  -Eh bien… Je racontais une histoire de monstres comme tous les mercredis. Je sensibilise les enfants aux dangers réels de notre monde actuel sous un format qui les tient attentifs pour permettre de mieux…

  -Oui, oui bon et alors ? s’empressa la mère. Que… Que s’est-il passé ?

  -Eh bien… Aléthéia a pris la parole et elle dit n’avoir jamais vu ou entendu les monstres.»

Les deux parents se toisèrent surpris par la remarque de Mme Polymathée. Puis la maman prit un ton plus détaché :

   -Ohh… Elle n’a que six ans. Elle a une imagination encore débordante… Je ne me fais pas de soucis…

   -Oui, laissons-la appréhender le monde à son rythme… Aléthéia ! Tu viens ? On y va.»

L’enfant qui avait tout entendu de la conversation, sans comprendre tous les mots, en avait saisi la teneur. Elle s’avança timidement vers son père qui l’embarqua avec la mère de famille. Le trio s'enferma dans la voiture et s'éloigna aussitôt de l'école:

 «Tu penses que ça devrait nous inquiéter ?

  -Les profs en font toujours des caisses. On a tellement de chance d'avoir une fille si choupette. Ne lui mettons aucune pression.»

 

Mais Aléthéia avait tout entendu de la conversation et en avait saisi la teneur. Elle se sentit coupable d’inquiéter ses parents et triste de ne pas être comme les autres. Finalement la très jeune enfant se souvint que ce n’était pas là qu’était la vérité.

 

Le lendemain, deux grands alpaguèrent Aléthéia :

  «Alors c'est elle la menteuse ? dit le plus grand des grands.

  -La « pisseuse » tu veux dire. Elle doit faire 2 cm de haut, pouffa le plus petit des grands.

Il ne devait pas faire plus de 2 cm de plus qu’Aléthéia, soit noté en passant.

  -Qu'est-ce que vous voulez ? questionna la petite Aléthéia. J'étais en train de jouer...

Les deux enfants éclatèrent de rire :

  -« Jouer » ? Toute seule ?!

  -Menteuse ! Tu vois comme elle est menteuse, insista un des camarades de notre héroïne. Tu veux dire que tu…

 

Les deux braillards cessèrent tout à coup de penser à respirer. Aléthéia les dévisagea un long moment, se demandant ce qu'il leur prenait à tous. Plus personne ne parlait. Cric Crac Cric Crac…

 

 

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