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La température change subrepticement - CHAP 2
auteur : Rolu

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH HHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH

 

Ils étaient des centaines… Non, plutôt des milliers. Mais des milliers de quoi ? Qu’est-ce que c’était ? Toute ces boules de chaires à vif et parfois purulentes ? De la peau irritée à l’extrême, des petites touffes de plumes, des croûtes, des crottes ou encore des plaies. Rien sur ces corps n’était sain. Comment pouvait-on en arriver à un tel niveau de négligence de soi-même ? Tous leurs orifices étaient enflammés et les pattes comme les plumages empestaient.

 

Ahhhh je comprenais au fur et à mesure que je m’enfonçais dans ce long couloir de la mort. Ces boules rougissantes n’étaient autres que mes semblables. Des semblables entassés dans des cages de fer. Étaient-ils des prisonniers pour se retrouver dans un tel cauchemar ? A cinq ou plus dans une cellule, il était clair qu’ils perdaient tous la tête. Les bagnards piaillaient pour un rien. Certains, au moindre mouvement, démarraient un concert de cris incessants. L’atmosphère s’alourdissait à mesure que j’entendais ces hurlements. Comment supporter un tel chœur de douleur et de peur ? Leurs comportements n’étaient plus cohérents.

 

Que cherchaient-ils en grattant frénétiquement ces sols de fausse herbe ? Ce n’était pas là qu’ils trouveraient à manger. Par manque de place, ils blessaient dans de faux mouvements leurs congénères. Par ennui, ils grattaient tout et n’importe quoi jusqu’à s’esquinter des lésions qu’ils avaient déjà profondes. Par folie, ils confondaient leur nourriture avec les restes de partenaires morts ou agonisant encore au sol… Leur esprit cherchait une échappatoire à ce goulag qui n’en avait aucune. Et, dans cette quête vaine, ils avaient fini par se perdre.

 

Des poux et toutes sortes de bestioles grouillaient sur les œufs. Ça voulait dire que c’étaient des femelles, comme moi. Elles arrivaient encore à pondre dans ce mouroir ? La naissance de la vie touchait au plus près le début de la mort. L’œuf incubait au creux des ailes d’un cadavre. Et les lentes de poux germaient sur les plumages. Des vols de mouches s’échappaient des fientes et le sang des blessures s’intoxiquait au contact de tous ces germes de vie et de mort.

 

J’avais du mal à me dire qu’elles étaient de la même espèce que moi. On aurait dit des vieillardes par leur air fatigué, la perte des plumes et les becs épointés à l’extrême. Qui avait coupé tous ces becs ? Tous les becs n’étaient pas mutilés mais, ceux qui l’étaient, n’étaient pas guéris et ne le seraient jamais. Qui avait coupé ces becs ?! Cela s’était passé lors de bagarres ? ça n’avait pas de sens.

Une intervention extérieure avait guillotiné d’un trait parfait ces extrémités sensibles ? On sentait la souffrance quand les becs touchaient des graines, le sol ou encore une simple et légère plume.

 

Des êtres ayant vécu tout en accéléré : combien d’œufs avaient-elles pondu en si peu de temps d’existence ? Combien de poids supportaient-elles sur leurs pattes frêles ? Elles semblaient déjà à bout alors que, sous ces faux airs de sénescence due à leur mode de vie exécrable, se cachaient de jeunes et très jeunes poulettes. Je cherchais à croiser le regard de certaines mais leur vue semblait très mauvaise. Ma présence ne les intéressait pas. Et elles furent vite attirées par un autre intrus beaucoup plus invasif que moi. Dans un fracas d’enfer accompagné par des bruits métalliques et des cris de volailles encore plus féroces que ceux d’avant, un humain dévala le couloir. Il délogea une cage et emporta son contenu. Les becs épointés, les orifices enflammés et les plaies à vifs furent arrachés à leur goulag sans ménagement pour être parqués dans de plus petits et plus sombres clapiers. Les morts étaient balayés d’un revers ou écrasés dans la précipitation. Une fois qu’une cellule était faite, l’humain passait à la suivante puis à l’autre en enfournant sans précision les cous, les plumes et les pattes qu’il trouvait sur son passage. Tout ce fouillis de poules se retrouva dans un chariot fermé à double-tour.

 

Le gigantesque humain allait partir quand il s’aperçut de ma présence à l’autre bout du couloir. Il haussa les sourcils et s’avança. Il verrait bien que je n’étais pas d’ici, que je n’étais pas comme ces autres malheureux oiseaux. J’étais libre moi. Il verrait bien. Je sentis mon corps s’envoler en une fraction de seconde et je compris qu’il était trop tard :

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH

   -Réveillez-moi ! Réveillez-moi ! REVEILLEZ-MOI !!!

Une lumière orangée derrière mes paupières et un soupçon de doré :

   -Monsieur ? Dites-moi ce que vous ressentez ?

   -Oh mon… je… je suis à l’hôpital ?

   -Vous êtes à la clinique Alésia, on a mis un terme à votre séance de transfert…

   -Ma séance ?

  -Oui… votre séance de transfert. Je vous laisse quelques instants pour que vous retrouviez vos esprits. 

 

Le personnel de soin me tendit un verre d’eau que je bus lentement. Je regardai par la fenêtre. La chaleur s’élevait comme le soleil à l’orient. J’allais pour chanter… Quand je me souvins que je n’étais plus une poule :

   -Ah oui la séance de transfert…

  -Vous vous souvenez ? Dites-moi ce dont vous vous rappelez.

  -J’avais décidé de choisir la vie d’une poule… Pas toute une vie de poule, hein bien sûr. Je crois que j’avais opté pour six mois. Bon, hier… ou avant-hier je me suis un peu trop éloigné des autres… je crois bien que je me suis retrouvé.... c'était un élevage en batterie. Je ne sais pas bien… en voyant tout ça j’ai pensé à une prison... en en parlant maintenant, je réalise bien que c’était une ferme ou un truc comme ça, mais tout à l'heure c’était tout mélangé... j’avais des raisonnements d’humain mais en même temps avec comme une autre sensibilité.

   -Oui, nos capteurs nous ont signalé une grande anxiété. Nous avons compris que vous vous trouviez dans une situation inconfortable. Fort heureusement dès que l’éventualité d’un choc trop important a été mise en évidence, nos équipes de soin ont mis en place immédiatement le protocole pour mettre fin prématurément au transfert.

  -Ma grande anxiété ? Situation inconfortable ? Un espèce de malade mental m’a attrapé par les plumes comme un vulgaire bucket de poulets ! J’étais sur le point d’y passer !

   -Nous regrettons que la séance se soit si mal terminée. II vous restait un mois d’expérience. Nous offrons bien sûr le double de votre solde avec une réduction de -20% pour votre prochain voyage, accompagnés de nos excuses.

   - 1 mois ? 20% ? le double ? Là-bas je n’avais plus ces notions... Je ne sais même pas combien de temps j’y ai passé. Et je ne sais pas si je veux revivre une chose pareille. Alors ne me parlez pas de transfert ! C’est la dernière chose dont je veuille entendre parler pour le moment !

   -Bien entendu, Monsieur.

 

L’employé sortit de la pièce en m’invitant à le prévenir si j’avais la moindre question. La journée passa comme en accéléré. J’avais le sentiment d’être en décalage. Mon esprit était au ralenti alors que la matière autour de moi courait à vive allure. Tout comme les corps décharnés de mes congénères bagnards. Leurs esprits étaient perdus tandis que leurs corps vieillissaient plus vite que l’entendement.

 

Je fis appeler l’employé qui rappliqua aussitôt :

   -Oui, Monsieur ? En quoi pui…

   -Que s’est-il passé ensuite ?

  -Que voulez-vous dire ?

  -Je vous demande ce qu’il s’est passé ensuite ?! Un homme m’a attrapée comme de la chaire à pâtée. Est-ce qu’il m’a relâchée dehors ensuite ? Ou est-ce qu’il a …

  -Euhh… et bien, comme vous le savez, le transfert consiste à prendre un animal hôte en parfaite santé dans lequel on injecte un nanorobot. Ce nanorobot agit en tant que télécommande grâce à laquelle vous êtes capables de contrôler à distance les faits et gestes de l’animal, rien que par la pensée. Vous avez choisi une option très avancée, bien plus aboutie que celles qui ne durent que quelques minutes ou quelques heures. Il est donc nécessaire de plonger le client dans un état d’inconscience car votre formule vacances s’étend sur plusieurs semaines et vous plongent dans un sommeil très profond. Il vous est alors possible de voir, d’entendre et de ressentir tout ce que ressent l’animal. Comme sa faim et toute autre besoin physiologique, en important votre propre bagage intellectuel à l’intérieur de lui. De notre côté nous suivons à l’aide de moyens indirects l’évolution de votre aventure. Avec des capteurs, nous suivons de près vos paramètres ainsi que ceux de votre hôte, comme par exemple votre température, votre rythme cardiaque…

   -JE VOUS DEMANDE CE QU’IL M’EST… CE QUI EST ARRIVE A LA POULE ?!

   -Je… Je ne sais pas… Ce que j’essaie de vous réexpliquer c’est que vous êtes le seul à pouvoir voir et comprendre ce qui arrive à votre hôte. Vous avez vu à travers ses yeux et êtes le seul à avoir compris ce qu’il s’est passé dans le détail… Tout ce que nous avons enregistré est venu de nos capteurs. Ils n’enregistrent plus aucun rythme cardiaque ou respiratoire sur votre hôte.

  -Un capteur GPS ?

  -Plus aucun signal de ce côté-là non p…

  -Vous pouvez me laisser.

  -Sachez que nous mettons un point d’honneur à assurer la sécurité et le bien-être de nos clients qui passent avant toute autre…

  -Je vous ai demandé de sortir.

 

L’humain, en me voyant si bien faite et en pleine santé, avait dû comprendre que je n’étais pas de l’élevage. Il avait dû me prendre pour sa consommation personnelle. Ou il m’avait vendue sur le marché. Mais en vrai, c’était l’hôte que j’avais utilisé qui était mort maintenant. Et moi j'étais là, dans ce lit d’hôpital. Ça n’avait ni queue ni tête.

 

J'avais fait l'expérience enivrante quelques minutes de l'aigle majestueux, de l'ours, de l'orc, du narval, du lion, du serpent... Je m'étais tellement amusé et avait tellement appris sur le monde animal. J'avais testé tellement de configurations, tellement d'aventures et de continents que je m'étais soudain lassé. Et quoi de plus banal qu'une poule, non loin, quelque part, dans mon pays ? Pourquoi ne pas trouver l'extraordinaire dans le plus ordinaire des gallinacés ? Et puis cette fois, je décidais de rester plusieurs semaines, ça n'avait pas de grands risques, j'allais vivre une vie simple et reposante pour les vacances d'été.

Mais ç'avait peut-être été l'aventure de trop. 

La température s’abaissa comme le soleil à l’occident. Je n’avais plus envie de m’épancher sur ces envies là.

Fin?

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